Une lande désolée, comme on se l’imagine dans les contes. Nous sommes à
la frontière bosno-croate, lardée de cicatrices des guerres des années
90. Ce bout d’Europe, triste et gris, est arpenté par celles et ceux qui
fuient les lointains conflits d’aujourd’hui en quête d’un refuge, mais
aussi par celles et ceux que la guerre des Balkans a jetés là. Un film
sans concession, kaléidoscope de paysages ravagés par des fureurs
devenues silencieuses.
Nicole Vögele à propos de son film
«
Pour moi, il y a un aspect important d’une forme d’égalité de toutes
choses. Un arbre reste un arbre même si quelqu’un se fait tabasser en
dessous. Cela peut sembler simple, mais je trouve que pour un être
humain qui cherche à comprendre ce que cela signifie d’être en vie,
d’être au monde, c’est une chose très difficile : il peut se passer les
pires choses, mais au printemps, les arbres bourgeonneront et les fleurs
refleuriront. Nous vivons dans des tensions permanentes et ce qui
m’intéresse, ce sont les interstices entre ces tensions, les sensations,
les ressentis qu’il est difficile d’exprimer. »
«Très
tôt dans cet impressionnant long métrage, Nicole Vögele filme une mer
d’arbres. La forêt semble à première vue paisible, il y a même parfois
quelques plans qui rendent compte du caractère bucolique des lieux. Mais
le décor est rapidement rendu lugubre par les traces humaines laissées
ici ou là. C’est un bout de semelle figé dans la boue, ce sont les
débris d’un Nokia incrustés dans le sol, des vêtements éparpillés au
bord de la rivière, des photos d’identité abimées parmi les feuilles
d’arbres : autant d’indices suggérant des situations dramatiques et des
lieux abandonnés (vidés ?) dans l’urgence. […] The Landscape and the Fury
est un film sur le temps : ce sont certes les saisons qui passent à
l’écran, mais ce sont surtout les conflits d’aujourd’hui qui se
superposent sur ceux d’hier, dans les lieux hantés sur lesquels
s’attarde la caméra de la cinéaste.» (Nicolas Bardot, Le Polyester)