Dans Fremont, le réalisateur d’origine iranienne Babak Jalali (notamment de Frontier Blues) nous attache à une femme hantée par son passé mais décidée à façonner son avenir, interprétée avec sobriété par Anaita Wali Zada. Ancienne présentatrice à la télévision afghane, l’actrice a dû elle-même fuir son pays en raison du retour des Talibans au pouvoir en 2021. En confrontant son personnage à d’autres, comme celui joué par Jeremy Allen White, star de la série The Bear, le cinéaste porte son regard sur l’interculturalité, soulignant les similitudes d’âmes esseulées, issues ou non de l’immigration. Grâce à un format resserré et une photographie lumineuse en noir et blanc, il compose un récit d’une grande douceur, où il fait ressortir l’émotion de chaque situation avec un humour tendre. Sa dérision n’empêche jamais la profondeur et, au contraire, tire des relations humaines et drames de la vie un sentiment de mélancolie positive.
« Ces deux questionnements sur la place que l’on occupe, que ce soit en tant que mineur qui se cherche ou comme personne en situation de handicap que l’on met à la marge, se rejoignaient. Dans les deux cas, ils sont contrôlés et réduits à l’espace que l’on veut bien leur donner. Je ne voulais pas pointer les différences mais ce qui rassemble : les premières amours, le désir ou encore les expériences, plus ou moins risquées. »
«Dans ma jeunesse, la Pampa hébergeait la première manche du championnat de France de supercross. […] Le moto-cross, c’est un sport très testostéroné ; aux codes souvent masculinistes, pratiqué par des hommes de classe moyenne ou des prolétaires et où se confondent la mécanique et la musique forte. C’est pour moi un univers très cinégénique. Les hommes et leurs enjeux virilistes dans le monde du sport m’ont toujours fasciné. […] Il y a surtout la question du déterminisme social, qui m’agite beaucoup. On entend souvent : « Quand on veut, on peut. » Beaucoup « veulent » mais sont empêchés par des forces politiques qui ne font rien pour les aider à s’extraire de leur condition. Sans action politique concrète, leur bagage culturel et social n’évolue pas.»
Depuis la fin de ses études en cinéma, Lou du Pontavice travaille comme scénariste et réalisatrice. Le film documentaire présenté ce soir est son premier long-métrage, tourné en Chine avec Victoire Bonin Grais. Cinéaste donc, mais également musicienne, dotée d’une voix au registre saisissant. Ses interprétations, notamment, de certaines chansons de Barbara, sont à nulle autre pareille et promettent toujours des moments de grands frissons. Elle fait partie du choeur enchanté qui accompagne régulièrement Clara Ysé, et développe avec toute une famille de musiciens de magnifiques complicités musicales et vocales, dont fait partie le compositeur de la musique du film Le veilleur, Camille El Bacha. Une occasion rêvée pour le CityClub d’oser inviter une réalisatrice tout autrement, qui nous concocte un programme sur mesure, et mettre en lumière tous ses talents - qui vont souvent de pair avec les carrières, multiples, du cinéma. Nous offrir tout simplement la joie d’un beau concert intimiste, et faire découvrir la sublime douceur de cette artiste complète.
« Pour moi, il y a un aspect important d’une forme d’égalité de toutes choses. Un arbre reste un arbre même si quelqu’un se fait tabasser en dessous. Cela peut sembler simple, mais je trouve que pour un être humain qui cherche à comprendre ce que cela signifie d’être en vie, d’être au monde, c’est une chose très difficile : il peut se passer les pires choses, mais au printemps, les arbres bourgeonneront et les fleurs refleuriront. Nous vivons dans des tensions permanentes et ce qui m’intéresse, ce sont les interstices entre ces tensions, les sensations, les ressentis qu’il est difficile d’exprimer. »